Etape

Hachimantai - Kuroishi

Kilomètres

113

Météo

iféfroid

Pensée du jour

Une semaine à remanger de la viande et j'en ai déjà plein le cul, vivement que je redevienne végétarien

Résumé

Dernière grosse étape aujourd'hui, et pas des moindres : 2 jolis cols m'attendent et j'avoue que je commence la journée bien stressé. En effet, mon profil de cycliste est plutôt celui du mec lourd et endurant capable de tenir des étapes complètes de plat sans manger ni boire qu'un léger cavalier grimpant les côtes au pas de course. Et historiquement, je galère vraiment dans les grosses côtes. Mathieu a d'ailleurs pris l'habitude de s'occuper quand il m'attends au sommet de la côte. Avec les années, il a par exemple eu le temps d'écrire un essai de 400 pages sur la vacuité de l'innocence et de refaire intégralement son CV.

Cependant, force est de constater que le setup dans lequel je me trouve est différent : d'abord je suis seul, ce qui veut dire que je peux aller entièrement à mon rythme la ou une de mes erreurs habituellement est de tenter de suivre l'agile Mathieu, de me tuer en 200 mètres, et de galérer ensuite. Ensuite, je suis bien plus léger qu'avant. J'ai perdu 10 kilos l'an dernier, le vélo de location est bien moins lourd que les gros vélos de randonnée en acier indestructibles, et mon paquetage est limité au minimum : le matériel de réparation, l'ordinateur, les chargeurs, les fringues et une brosse à dent (en gros). Je dois être bien 20 kilos plus léger que sur les autres voyages, et je le ressens vraiment. Le premier col est avalé au deuxième plateau à une vitesse dont je vais pouvoir me vanter toute ma vie, et le deuxième, bien qu'à la limite de me faire poser pied à terre, est passé de justesse en une seule fois.

J'arrive en haut bouillant sur tous les plans, et tant mieux car il fait très froid aujourd'hui : autour de 12-13 degrés ce matin dans les montagnes humides, ce qui me force à garder le softshell pendant la quasi intégralité de l'étape (sauf quand je l'enlève quelques minutes pour sécher la sueur et éviter d'attraper la crève). La redescente est assez violente, c'est vraiment raide, les virages sont en épingle, et je me fais très peur à un moment où j'essaie de filmer la descente, me fait surprendre par une épingle à nourrice, et doit attraper les freins à 2 mains pour ne pas m'envoyer dans le décor (note à mes parents : j'exagère un poil vous en faites pas). Leçon apprise, il n'y aura pas de film de la descente, et je fais bien attention tout le reste du passage.

À la pause, je me rends compte que j'ai enfin réussi à faire les 90 kilomètres en une matinée que je tutoyais depuis 3 jours. Très fier, je découvre également avec grand plaisir que je suis juste à côté d'un marché couvert où les agriculteurs locaux viennent vendre leurs produits. Je me fais un festin avec un litre de jus de pomme de la région et… de la viande. Voyez-vous chers spectateurs, je ne mange plus de viande depuis 2019, mais j'ai décidé sur ce petit périple de pas me prendre la tête avec ça : c'est assez difficile au Japon de se nourrir bien quand on est végétarien, parce qu'ils foutent de la viande absolument partout, qu'ils ont pas de fromage pour égayer un peu le quotidien, que leur pain est à la limite d'être comestible, et que quand on mange froid et qu'on pédale 6h par jour, les carottes rapées, boulettes de riz et le tofu ça devient vite limite.

Mais la bonne nouvelle dans tout ça, c'est que m'autoriser la viande pendant une grosse semaine me fait réaliser que j'aime plus du tout ça. Je ne ressens aucun plaisir particulier à manger du poulet (ça a pas vraiment de goût), l'âcreté du porc me laisse un vieux résidu dans la bouche, bon le bœuf c'est pas mauvais par contre mais qu'est-ce que c'est cher ! Je réalise également à quel point la viande pèse lourd sur la digestion, ça fait 3 jours que je me couche barbouillé, bref vivement demain de reprendre mes habitudes sans viande !

Ne reste que 23 petit kilomètres pour arriver à l'étape. Repartir est très dur, je commence vraiment à accuser la fatigue du voyage : mes mollets souffrent le martyr ! Clairement la période des 20 ans ou on enchaînait des 130+ kilomètres par jour en se reposant une fois tous les 6 jours est loin derrière moi. Heureusement, avec l'âge viennent certes des pépins physiques mais aussi la sagesse et la connaissance de son corps : me doutant que pousser jusqu'à Aomori aujourd'hui aurait été trop difficile, j'ai sagement pris une chambre à 29 petits kilomètres du but du voyage ! Ça me permettra de finir tranquillement demain matin, j'aurais le temps dans le train pour Tokyo d'écrire un bilan du périple !